Le livre matériau constitutif d’une œuvre d’art : un travail des élèves de terminale en option Arts Plastiques (dans la bibliothèque historique)

Les élèves du lycée ont re-découvert la bibliothèque historique, ce témoignage glorieux de la fin du règne de Louis XIV. Au milieu des boiseries et sous l’œil de précieux ouvrages, figuraient plusieurs installations fort étonnantes. Une fois dans la bibliothèque, au lieu de lever les yeux sur les titres au dos des livres, bien calés sur leurs étagères, il fallait au contraire porter son regard partout ailleurs : dans l’espace de l’étrange, propre à chacune de ces productions.

Que d’œuvres déconcertantes ! Le livre est la première victime de cette exposition. Il est outrageusement martyrisé. Il est tantôt démembré par un dinosaure, tantôt anéanti, ne laissant derrière lui que des pages rescapées du massacre et vainement reliées par une ficelle. Parfois il comporte des « trous de mémoires », comme autant de cratères de météorites taillées dans son épaisseur.  Il est aussi en efflorescence ou en voie de disparition ou plutôt de recomposition. Et puis que dire du livre clouté et sauvage aux pages mutilées, du livre ligoté, sanglant et appelant à l’aide, sans parler du livre-énigme ?

Enigme. C‘est le mot qui s’impose car les auteurs de ce crime ont fait preuve de violence, sans jamais se faire connaitre. Les bureaux sont dévastés, jonchés de brouillons et de livres outragés, parsemés de lambeaux d’écrits.  Et les offenses au bon goût des bibliophiles ne s’arrêtent pas là. Le surnaturel rôde. Prenez garde ! Le petit livre rouge de Mao est un obstacle communiste du plancher, un livre-nénuphar a colonisé l’escabeau et menace de vous retenir dans ses lianes. Enfin la sortie de la bibliothèque devient un sérieux danger car il faut frôler le livre-monstre, un hybride tout droit sorti de l’univers de Tolkien.

Mais la visite mérite de braver ces périls. Comme les miroirs font parfois réfléchir, ces œuvres savent interroger notre goût de la lecture.